Notre Histoire
Il était une fois, une bande d’ami.es solidaires, une fine équipe plus connue sous le nom de Smala. Elle s’était donné plusieurs missions créatives. Voici son histoire, de 1984 à 2020.
Les prémisses : l’émergence d’un état d’esprit
Pour la Smala, tout a commencé en 1984, lorsque Mariette Glauser lance le MAD avec des amis dans le quartier du Flon à Lausanne, devenu ensuite mondialement connu. C’était une friche industrielle progressivement reconvertie en ateliers d’artistes et d’artisans. A l’époque, Flon = alternatif, créatif, diversité, un espace de liberté et d’expériences avec lofts, expos, concerts, mais aussi actions sociales et écologie avant l’heure. Mariette préside aux destinées du MAD sous sa forme non lucrative de l’époque (1984-1990), avant le virage 100% disco.
1993 : création officielle de l’association Tir Groupé
Le MAD perd quelque peu son esprit transdisciplinaire, Mariette quitte la présidence. On trouve de nouveaux locaux, un immeuble du 13e siècle au coeur de la vieille ville de Lausanne, anciens locaux du désormais fameux centre socioculturel « pôle Sud ». Le 8 mai, réunis dans le grenier tout poussiéreux, une trentaine de pionniers valident la métamorphose de l’agence-fantôme Tir Groupé en association à but non lucratif. On ne ménage pas nos efforts pour lui donner corps, et le succès est immédiat.
Dès 1994, on signe aussi un contrat de bail à la place du Château 3, ancienne école de Chimie, dans une grande salle qu’on rénove entièrement (merci à Patricia Pennachio!). Comme le contrat de bail est précaire, on est prêt à rebondir.
Déjà un rôle d’incubateur d’innovation sociétale
Des espèces d’extraterrestres débarquent à Soleure. Ce sont des étudiants de la ville d’Aarhus, au Danemark. Ils sont venus d’une école inspirante, l’école des pilotes du Chaos. Leur direction pédagogique leur a donné la mission de réaliser un travail de diplôme hors du commun: organiser le premier concours de création d’entreprise en Suisse. C’est le projet Innovators. Tir Groupé s’y connecte. Notre service de connexions créatives, qui surfe sur la vague d’Internet avant l’heure, les interpelle, et ils nous confient la mission de stimuler la créativité en Romandie. A l’époque, le grand public ne connait pas encore les notions de web, de start-up, et encore moins d’entrepreneuriat social.
Le modèle économique
Dès le début, notre modèle économique était basé sur le principe suivant : vu la conjonction de notre créativité et de notre gestion rigoureuse, nous réussissions à louer des chambres et ateliers-bureaux dans ces ruches (aujourd’hui « les smalas ») en-dessous des prix du marché immobilier, tout en réussissant à générer un petit excédent de produit servant à financer modestement quelques activités socioculturelles innovantes. Plutôt que de mettre la différence, les « bénéfices », dans notre poche, nous avons toujours réinvesti dans l’aide aux projets créatifs, pionniers, et le comité a toujours stimulé les membres à montrer des projets avec ces fonds de solidarité.
Rétrospectivement, il est clair qu’avec toutes ces années de gestion locative globalement excellente, avec tous ces bénéfices réinvestis. Nos valeurs étaient suffisamment fortes.
1996 : Le Premier d’une longue série de gros déménagements
Le 22 mai, c’est l’inauguration du Chapitô. Après le Labyrinthe, nous venons de rebondir à la place du Château 3. C’est un mini-Flon à part entière, avec une centaine d’artisans et d’artistes dans deux gigantesques bâtiments, un lieu de créativité qui fera date à Lausanne. Tir Groupé n’en occupe qu’une petite partie, mais c’est déjà immense.
Le comité initial passe la main, en laissant un beau patrimoine : trois maisons avec des contrats longue durée, des subventions annuelles de la ville de Lausanne et du canton suffisantes pour l’équivalent de 2 postes à plein temps, une liberté de ton et des résultats solides. De plus, nous formons intra-muros un service d’aide à l’insertion de demandeurs d’emploi, qui a beaucoup de succès.
Nouveau nom : Smala
En 1997 est créée Smala, qui reprendra l’histoire et assure depuis lors sa pérennité.
Smala signifie famille élargie, tribu. C’est aussi le nom donné aux résistants face aux colons. La Smala est pour nous comme une capitale itinérante d’esprits libres, une fédération d’entrepreneurs sociaux en mouvement face à la société de surconsommation.
Résultat : nouveaux lieux, nouvelles activités, et toujours le même fil rouge. On démarre à la rue de Chandieu, avec une maison, puis vite 2, 3…
On lance Tricycle, 1500 m2 d’ateliers créatifs, une école du terrain, lieu qui va évoluer sur 8 ans.
Dès 2004 : une nouvelle association nommée la Smala est créé. Plusieurs dizaines de nouvelles maisons temporaires sont gérées jusqu’en 2020, pour aller vers la création d’écovillages durables.
Re-gestion de nombreuses maisons prêtées ou louées temporairement à Smala, certaines avec des gros travaux, mais toujours sur des durées courtes. Difficile d’installer durablement nos activités dans ces conditions.
Parallèlement, la qualité et quantité de parrains et partenaires de Smala se renforcent. Signalons par exemple l’appui remarquable d’Albert Jacquard, actif sur tant de causes. Nous voilà invités à présenter notre démarche à Pierre Rabhi et aux coordinateurs locaux du mouvement des Colibris.
Un forum innovateur et fédérateur
Forte d’une trentaine d’organisations, APRES-VD prépare une Rencontre vaudoise de l’économie locale et associative; celle-ci aura lieu à Lausanne pendant deux jours, en automne 2008. Elle vise la participation d’au moins 120 organisations. Son but sera de renforcer, densifier et améliorer les liens entre des organisations actives dans l’habitat associatif, les coopératives agricoles, les services environnementaux, la finance solidaire, etc., afin de faciliter l’établissement de partenariats durables, aux fins de dynamiser l’économie sociale et solidaire.
Ce forum permettra de réaliser une enquête-recherche sur les besoins et les ressources disponibles ainsi que de donner naissance à un portail web de prestataires de biens et de services, pour faciliter les rapports entre petits producteurs et consommateurs de l’économie locale et associative. A titre d’exemple, une coopérative d’habitation pourra collaborer avec une coopérative d’achat de produits maraîchers, en vue d’assurer l’acquisition collective de biens”, se réjouissent les initiateurs de ce forum vaudois.
2006 : plus de déménagements !
On décide de créer une coopérative d’habitation afin qu’elle achète des maisons ou terrains et qu’on puisse y développer des activités sur des décennies et non plus des années. Mariette propose le nom de Batir Groupé, clin d’oeil à la transformation du passé en avenir. On l’adopte immédiatement. On anime la maison de la rue Curtat 14, sous la cathédrale, un lieu proche en tous points de l’esprit initial au labyrinthe 1993. Nous y essuyons le refus étonnant de la commune de nous donner la possibilité d’y bénéficier d’un contrat de 99 ans (droit dit « de superficie ») pour lequel nous avions trouvé les fonds garantissant un commerce équitable ; notre projet mélange logement et animation socioculturelle, or dans l’objectif de la ville, c’est un lieu qui doit être dédié exclusivement au logement. Mais comme le dit Mariette à cette occasion dans le film sur nos 15 ans : La Smala, on tire on tire, mais ça ne casse jamais !
2007 – 2012 : reconnaissance fédérale
Nul n’est prophète dans sa région : Smala décroche coup sur coup quatre mandats de projets européens, financés par la Confédération. Chaque projet sera au final couronné de succès et les rapports finaux seront tous validés avec remerciement du Secrétariat d’État à l’Education et à la Recherche.
Objectif : recevoir des méthodes de gestion innovantes de problèmes socio-économiques de la part d’autres ruches créatives en Europe, sur des thèmes de développement socioculturel, les analyser et les adapter au contexte suisse, tout en les enrichissant de notre créativité pour les étoffer à l’échelon européen. Nous découvrons un monde incroyable, composé d’experts en transferts d’innovations socio-pédagogiques, de promotion des transversales et de partenariats multilatéraux, dans lesquels nous nageons comme des poissons dans l’eau. Les thèmes :
1. Entreprises partagées, ou comment créer un nouveau statut professionnel entre travailleur indépendant et employé : l’entrepreneur salarié.
2. Team écoconstruction, ou comment développer des filières d’écoconstruction en Europe.
3. Minergie sans pétrole ? Comment isoler exclusivement ou presque ses maisons avec des matériaux naturels ? C’est le projet INATER.
4. Accès pour tous à l’espace urbain
Ces projets nous permettent de préparer plusieurs axes du label et incubateur Ecopol. Dans chaque projet, nous réalisons un film, des cours. Pour plus de détails, voir aussi les pages du site Smala, sous le menu « institut ».
2014 – 2018 : Smala construit des écovillages. Oui oui !
Après avoir incubé la coopérative Bâtir Groupé sur 2006-2013, nous achetons des terrains à Cheiry, puis à Grandvaux. Nous construisons tant les maisons que les relations humaines. Smala devient officiellement membre du GEN-Europe, le réseau des écovillages. Et nos projets, c’est un succès ! Nous inaugurons Cheiry, le 21 août 2016 (détails ici), et, le 25 novembre 2017 l’écovillage Berber à Grandvaux. C’est une une petite fédération de communautés Smala qui est en train de naître en romandie. Nous y privilégions l’écologie sociale sur la base du contrat social Ecopol, au-delà des prérequis déjà bien installés dans la culture Suisse que sont l’efficacité énergétique, des loyers abordables en coopérative et le partage d’infrastructures (buanderie, potagers, salle de fête, covoiturage). Nous avons organisé plus de 150 conférences et soirées de partages sur l’art de vivre ensemble entre 2013 et 2018.
2020 : nous avons réussi !
Les écovillages de Romandie nommés la smala Berber, la smala Cheiry et la smala Lucens existent.
Ils sont propriété coopérative de Bâtir Groupé, aidé par APTES le partenaire pour l’entrepreneuriat social.
La preuve est faite que la méthode Ecopol pour créer des écovillages fonctionne.
La gérance a été transférée à la coopérative en 2017.
La chambre Vaudoise de l’Economie Sociale et Solidaire (apres-vd) vit de ses propres ailes depuis plus de 10 ans.
L’association Smala a atteint sa mission. Fière de ses succès, un chapitre de militance pionnière se clôt.
Reste aujourd’hui le nom « la smala » pour les écovillages et la méthode Ecopol.
FIN.