La Smala, la tribu en mouvement qui crée des écovillages c’est bien joli comme slogan, mais vous êtes nombreux à nous demander qui nous sommes concrètement, et ce qui nous relie ? Et vous avez raison. Essayons ici d’aller plus en profondeur avec cette petite histoire.
Octobre 2017. Nous sommes en réunion des cohabitants de Cheiry. C’est encore l’été indien, on est une quinzaine à table avec plein d’enfants et de bons miams apportés par chacun, puis on s’astreint à l’indispensable point formel du mois avec PV participatif (arrivées, départs, vacances, travaux en cours, améliorations, suivi des fournisseurs, achats mutualisés, fête de fin d’année…). Une vraie petite entreprise socioculturelle de vivre ensemble. Et comme cette routine est maintenant bien rodée, on termine assez tôt, pour s’offrir un moment final hors du temps pour refaire le monde, s’écouter, s’entendre. À la table, des personnalités assez fortes, certaines passionnées, d’autres plus modérées, toutes avec des valeurs et centres d’intérêts somme toute assez différents : une maman bénévole dans une association de récupération des invendus au service des plus démunis avec son compagnon éducateur spécialisé et membre du parti socialiste, un pasteur-webmaster et son épouse qui animent une communauté locale d’entraide de 50 personnes, un artiste musicien classique sur clavecin et photographe avec sa compagne aide-soignante et hôtelière, un invité suédois sérial entrepreneur de passage à la Smala pour mieux imaginer sa transition socio-professionnelle (voir ici les offres de stages et bénévolats), un délégué du comité Smala pour l’animation des Ecopol, et les 7 enfants de la maison (toutes des filles !) qui gambadent tout autour et devraient vraiment aller se coucher maintenant ça suffit allez allez dodo câlin chouchou zouuuu… Oui c’est vrai, présenter des cohabitants en focalisant sur leur-s métiers ne les qualifient de loin pas suffisamment, mais cela donne une idée des histoires quotidiennes très diverses que nous vivons.
Idem à l’écovillage de Grandvaux trois jours plus tard, réunion de personnes aux parcours très variés : une biologiste formée en permaculture et son mari président de la Fédération des médecins de famille qui ont vécu en Afrique ; un couple de jeunes retraités bien actifs animant des services d’appui à l’équilibre dans les couples et lui, pasteur, ayant dirigé un centre culturel important de notre région ; une femme végétarienne ayant dirigé l’entreprise familiale leader romand de la vente de tronçonneuses (ça ne s’invente pas, on t’aime Christiane !) et responsable des poules et des nettoyages de notre écovillage ; un jeune homme de bientôt 18 ans qui est venu en Suisse fuyant la Somalie tout seul par le Sahara et la Lybie (mineur non accompagné) pour éviter à 14 ans d’être forcé de prendre les armes dans son pays ; un chauffeur de taxi en voiture électrique ; une chanteuse d’opéra ayant beaucoup de succès dans sa carrière et souvent en vadrouille de part le monde ; une stagiaire en marketing éthique et un artiste entrepreneur social que vous reconnaitrez peut-être 😉
Et dans ces deux groupes, la même réflexion : qu’est-ce qui nous relie ? On se le demande nous-même. On remue nos méninges pour réussir à nommer ce qui nous unit, ce qui nous connecte… Le style cool ? Pas suffisant ! Et puis dire à nos deux pasteurs qu’ils sont cools, c’est sympa, mais ce n’est clairement pas leur tasse de thé, you see what I mean my Brother (LOL). L’équité hommes-femmes, la justice sociale, l’économie solidaire ? Bien sûr, mais ce sont des notions trop généralistes, qui ne justifient pas notre choix de partager des cuisines, des ateliers, des abonnements à des revues. Acheter intelligent, c’est un prérequis évident mais qui ne fait pas de la Smala une vraie équipe innovante dans la manière de vivre ensemble. La religion chrétienne ? Même pas ! Certains à la table sont agnostiques, d’autres chamaniques, bouddhistes, taoïstes, et plus largement la religion est du domaine privé dans les Ecopol de la Smala, on ne favorise pas l’adhésion à une croyance commune, mis à part une bonne dose d’humour, l’état spirituel et créatif naturel qui vibre en nous ! L’écologie direz-vous, les verts, les petites graines ? Là encore, c’est un peu léger, car nous sommes tous écolos de manière très très différente d’une personne à l’autre : certains sont véganes et roulent toute la journée dans leur teuf teuf, d’autres sans voiture mais carnivores, d’autres 100% logiciels libres mais fument, d’autres humanistes profonds mais bien dépendant aux produits Apple et Microsoft, certains verts libéraux d’autres communistes, bref, on y est pas encore.
Mais voilà-t-y pas qu’en fin de soirée, le vin biodynamique aidant (on assume !), nous vivons quelques moments de grâce, de reconnaissance mutuelle, autour d’une valeur commune : la simplicité volontaire. Nous réalisons que ce qui nous permet de nous comprendre malgré les différences, de nous apprécier malgré les rythmes de vies pas si similaires que ça, de nous réconcilier après des malentendus qui nous ont froissés, c’est que fondamentalement nous sommes heureux de ce que la vie nous donne, nous jubilons dans l’effort de vivre. En reconnaissant ce lien, nous réussissons à nous contenter de peu, à aimer les petits plaisirs, à nous faire bien plus confiance que la moyenne des voisins, nous restons enthousiastes et sensibles malgré les inévitables déceptions dans nos relations, du genre : qui a pris les biscuits que j’avais laissé dans le salon pour mon garçon ? Vous avez encore claqué la porte en partant à 6 heures du matin, quand même… Merci de penser à vider les déchets dans la buanderie, c’est la 3e fois que le fait à la place des autres… Dans des maisons classiques, ce genre de déception engendrerait un renfermement. Pas à la Smala, parce que nous tentons de cultiver les relations, par de bons repas simples, par des petites attentions, de l’écoute, de la réconciliation, de l’entraide fréquente. En se retrouvant ainsi autour de l’esprit de la sobriété heureuse et dans la joie de vivre, nous cultivons les belles relations, nous ne cumulons pas les biens matériels, et nous acceptons de nous remettre en question, avec bienveillance.
A l’ère de la surconsommation, de la croissance économique monoculturelle, nous assumons que, face aux défis planétaires, nous restons des paradoxes vivants qui en faisons peu et en parlons beaucoup, mais tout de même nous sommes fidèles à l’objectif statutaire de l’association Smala : marcher ensemble, chacun à sa manière, sur le même chemin de la simplicité volontaire. Merci la vie, et merci de nous avoir lu jusqu’au bout ! A bientôt 🙂